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 La lettre de William Leahy.

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AuteurMessage
Fritz
Admin



Nombre de messages : 147
Date d'inscription : 24/09/2005

La lettre de William Leahy. Empty
MessageSujet: La lettre de William Leahy.   La lettre de William Leahy. EmptyJeu 16 Mar 2006 - 19:23

Bonjour Mauser,


Puisque nous parlions de l'occupation, je suis tombé sur un texte très intéressant.

Il s'agit d'une lettre envoyée le 22 novembre 1941 au président Roosevelt
par William Leahy, ambassadeur des Etats-Unis à Vichy.
William Leahy, visiblement francophile, suivait d'extrêmement près
l'évolution des événements en France et dans le monde,
et envoyait régulièrement au président américain
des lettres d'information et d'analyses.

Je poste celle du 22 novembre 1941, je la trouve extrêmement riche
en enseignements et qu'elle soulève de nombreuses questions intéressantes.

La voici :

Citation :


Avec le retrait d’Afrique du général Weygand à la suite d’un diktat allemand,
et suite au déclenchement de l’offensive britannique en Cyrénaïque,
qui sont deux événements probablement liés, j'ai très clairement rappelé [au Maréchal]
que l’attitude amicale que le gouvernement américain avait observée jusqu’ici
était basée sur le postulat que le Maréchal, dans ses relations avec les puissances de l’Axe,
n’outrepasserait pas les termes de l’Armistice, et que le limogeage du général Weygand
suite aux pressions allemandes ne pouvait en aucun cas être considéré
comme entrant dans le cadre dudit Armistice.

Je lui ai dit que cette reculade superflue face aux demandes de l’Axe
aurait un effet regrettable sur l’amitié traditionnelle entre nos deux peuples,
qu’elle provoquerait la suspension immédiate de l’assistance économique aux colonies françaises,
et qu’elle pourrait même amener les Etats-Unis à une révision complète de son attitude
vis-à-vis du gouvernement français.

Je lui ai demandé de reconsidérer sa décision. Il m’a répondu que depuis décembre,
l’Allemagne avait exercé des pressions constantes pour écarter Weygand.
Que leurs demandes étaient innombrables – y compris celles concernant les bases et la flotte,
auxquelles il refusait d’accéder. Mais que la veille, les Allemands lui avaient envoyé un ultimatum
le menaçant, en cas de refus, d’occuper toute la France, de nourrir l’armée d’occupation
avec la production française et d’affamer la population
.

Tandis que le gros des Français reste confiant en une victoire britannique
et continue d’espérer que les Etats-Unis viendront à leur secours
,
le gouvernement français d’aujourd’hui est dirigé par un vieillard faible,
effrayé
et entouré d’hommes qui, dans leur intérêt personnel,
sont entièrement dévoués aux thèses de l’Axe.




La lettre de William Leahy. Wdleahy-life-cover-1942

L'amiral William Daniel Leahy, en couverture de Life dix mois après sa lettre.



Pour situer le contexte :

- Quatre jours plus tôt, le 18 novembre, a débuté l’opération CRUSADER,
l'offensive britannique en Afrique, dirigée par la nouvelle VIIIe armée du général Claude Auchinleck.
Elle a pour but de reconquérir Tobrouk. Cette offensive bénéficie
d’un important soutien aérien de la Desert Air Force.

- Pendant ce temps, en Russie ont lieu deux importantes batailles :
celle de Sébastopol, qui est toujours en cours, et celle de Rostov-sur-le-Don,
qui vient de se terminer à l'avantage des Allemands
après l'échec final de la contre-offensive soviétique sur cette ville.


La lettre de William Leahy. 1941-franco-suner-petain

Le maréchal Philippe Pétain, vu ici avec le général Franco,
à une date inconnue
.


Cela étant posé, voici les remarques que m'isinpire le texte de l'ambassadeur :

1) "Assistance économique aux colonies françaises". Première nouvelle !
Les Etats-Unis soutenaient-ils donc économiquement l'empire français pendant l'Occupation ?
Voilà qui change beaucoup de choses. Et voilà une information essentielle dont j'observe
qu'elle est totalement passée sous silence par les travaux historiques
et évidemment par les manuels scolaires.

2) "Nourrir l’armée d’occupation avec la production française et [...] affamer la population".

Le Maréchal mentait-il à Leahy ? Il me semble au contraire que dès le début de l'Occupation,
les Allemands avaient mis la France en coupe réglée, mais cela reste à vérifier en termes chronologiques.
(cf. la citation d'Hermann Göring que je joins plus bas).


3) "Le gros des Français reste confiant en une victoire britannique
et continue d’espérer que les Etats-Unis viendront à leur secours
".

Où l'on constate que :

- L'ambassadeur, apparemmenr francophile, fait des Français un portrait flatteur,
les présentant comme un peuple épris de liberté et victime d'un cas de force majeure.
Il oublie de préciser qu'une partie non-négligeable dudit peuple souscrivait aux "thèses de l'Axe".
A mon avis, il ment à son président pour apporter sa pierre à une offensive alliée
susceptible de libérer la France du joug nazi.


4) "vieillard faible, effrayé [...]".

Soit Leahy ment pour présenter la France comme un régime fragile qui n'attend que quelques coups de feu
pour accueillir les Alliés en libérateurs, soit il n'a pas compris que le Maréchal
est loin d'être un pantin faible aux mains de l'Occupant.
Pétain avait construit patiemment son pouvoir, un pouvoir absolu, en totale contradiction
avec la Constitution française, et il collaborait avec beaucoup de zèle.
Non pour faire plaisir aux Allemands, mais bel et bien parce qu'il était lui-même convaincu
du bien-fondé de sa politique.

Voir plus bas le texte du discours du "Vent Mauvais", prononcé trois mois plus tôt par le Maréchal.




Fritz.


ANNEXES :

1) Le "discours du Vent Mauvais" prononcé par le Maréchal
le 12 août précédant la lettre de l'ambassadeur :

Citation :


« Français, j’ai des choses graves à vous dire.

De plusieurs régions de France, je sens se lever,
depuis quelques semaines, un vent mauvais.
L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des âmes.
L’autorite de mon gouvernement est discutée.
Les ordres sont souvent mal executés […]
Un long délai sera nécessaire pour vaincre la résistance
de tous ces adversaires de l’ordre nouveau, mais il nous faut,
dès a present, briser leurs entreprises, en décimant les chefs.
Si la France ne comprenait pas qu’elle est condamnée, par la force des choses,
à changer de regime, elle verrait s’ouvrir devant elle l’abîme,
où l’Espagne de 1936 a failli disparaître,
et dont elle ne s’est sauvée que par la foi, la jeunesse et le sacrifice. »


On ne peut être plus clair.


2) La citation du Reichsmarschall Hermann Göring,
recueillie le 6 août 1942 lors d'une conférence sur la France :

Citation :

Il n’est pas question ici du seul ravitaillement
mais je m’époumonne pour affirmer que je considère, au fond,
toute la France occupée par nous comme pays conquis.
Il me semble qu’autrefois la chose était plus simple. Autrefois, on pillait.
Celui qui avait conquis le pays disposait des richesses de ce pays.
A présent, les choses se font de manière plus humaine. Quant à moi,
je songe tout de même à piller, et rondement…

La collaboration… c’est seulement M. Abetz qui en fait, moi pas.
La collaboration de Messieurs les Français, je la vois seulement
de la façon suivante. Qu’ils livrent tout ce qu’ils peuvent
jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus ; s’ils le font volontairement,
je dirai que je collabore ; s’ils bouffent tout eux-mêmes,
alors ils ne collaborent pas. Il faut que les Français s’en rendent compte…
Dites aux usines qui ne livrent pas qu’elles n’auront plus rien à se mettre sous la dent.
Je leur enverrai des vieilles selles de cosaques.
Les Russes en ont bien bouffé.


Outre qu'elle a le mérite de situer le niveau intellectuel du Reichsmarschall,
cette citation montre clairement qu'aux yeux du Reich,
la question des ressources de la France n'était pas à négocier.
Lorsque le Maréchal affirme à Leahy que l'Occupant "menace d'affamer la France", il ment.
Il ne s'agissait pas d'une menace, mais d'un fait. Seul bémol, et encore :
la citation de Göring est postérieure de neuf mois à la lettre de l'ambassadeur.
Elle est donc chronologiquement mal située pour contredire Pétain.
Mais je soupçonne que la teneur des paroles que Göring a prononcées
le 6 août 1942 était déjà d'actualité le jour où Leahy a écrit sa lettre.
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