Bonjour,
Lu dans Le Figaro de ce 30 novembre, un article de Malbrunot, qui ferait état de manipulations du clan Hariri sur certains témoins cités à charge contre le pouvoir syrien dans l'attentat contre l'ancien Premier Ministre libanais.
Damas continue pourtant de coopérer...toujours à négocier du temps? Si oui, du temps pour quoi?
Crainte d'une attaque américaine? Au vu de la situation générale régionale, je vois mal Washington prendre ce risque.
Sanctions à l'ONU? Plus probable...toujours est-il que celles-ci seraient quand même limitées...je vois mal la Syrie actuelle soumise à des sanctions dignes de celles ayant pu frapper hier l'Irak.
Quid du Liban lui-même? Plus de soldat syrien mais reste le Hezbollah et les soutiens à Damas au Pays du Cèdre...
Vos lumières et commentaires sont les bienvenus...
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Le rapport Mehlis bute sur des faux témoignages
Proche-Orient. Alors que cinq personnalités syriennes doivent être entendues à Vienne par la commission d'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, un témoin clé est revenu sur ses accusations.
Georges Malbrunot
[30 novembre 2005]
LES CINQ SYRIENS que la commission Mehlis souhaite entendre sur l'assassinat de Rafic Hariri n'étaient pas encore partis pour Vienne (Autriche) hier soir. Mais, après le feu vert donné par Damas, leur départ paraît imminent. La liste des personnes concernées n'a pas été publiée, mais elle devrait comporter les noms de Rostom Ghazalé, le chef des services de renseignements syriens au Liban au moment de la liquidation de l'ancien premier ministre libanais, le 14 février. Ceux de Jameh Jameh, responsable du secteur de l'hôtel Saint-Georges où eut lieu l'attentat, et de Mohamed Khallouf, un de ses collaborateurs.
En revanche, le beau-frère du président Bashar al-Assad, Assef Shawkat, qui dirige les renseignements militaires, ne ferait pas partie des agents interrogés à Vienne par les enquêteurs onusiens. Son nom figurait dans une première version du rapport Mehlis, dont le texte définitif fut présenté au Conseil de sécurité de l'ONU fin octobre, mettant en évidence une implication syrienne dans le meurtre d'Hariri. «Un bon rapport de synthèse pour des diplomates, analyse un policier proche de l'enquête, mais qui ne contient pas de preuves pour établir une culpabilité», ajoute-t-il.
Si les présomptions convergent vers Damas, la faiblesse des témoignages est en effet le principal talon d'Achille de l'enquête, qui se poursuit jusqu'au 15 décembre. Damas a commencé de s'engouffrer dans la brèche. Lundi, le pouvoir alaouite a présenté un Syrien kurde, Hassam Taher Hassam, qui a reconnu avoir fait, sous la menace, un faux témoignage devant la commission. Il y accusait deux proches de Bashar, son frère Maher et Assef Shawkat, d'avoir commandité l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais. De son côté, la commission a déclaré que l'homme était volontairement venu à elle le 1er septembre. Mais la fausse piste Taher Hassam ne surprend pas les services de renseignements, DGSE en tête, informés durant l'été qu'un témoin anonyme du rapport Mehlis avait été contraint de mettre en cause un haut responsable syrien au cours d'un interrogatoire haut en couleur. Sans doute s'agissait-il de Taher Hassam.
Damas cherche à discréditer le rapport Mehlis
Après avoir beaucoup tergiversé, «la Syrie fait tout ce qu'elle peut pour montrer qu'elle coopère avec l'ONU et pour décrédibiliser le rapport Mehlis», souligne un diplomate occidental au Proche-Orient. Hier, Damas a mis en garde contre les tentatives de «certains Libanais» d'induire en erreur la commission. Aux yeux des Syriens, le faux témoignage de Taher Hassam rappelle celui de Mohamed Zuher al-Sadiq (lire notre article ci-dessous), incarcéré en France. Là encore, Mehlis avait été averti du peu de fiabilité de ce dernier. «Il ne faudrait pas que l'ONU se décrédibilise», avertit un bon connaisseur de la Syrie.
Damas aurait reçu l'assurance que les cadres interrogés à Vienne regagneront ensuite la Syrie, sans risquer une demande d'arrestation de la part de la commission. Fin septembre, en Syrie, ces mêmes cadres avaient récité une leçon bien apprise devant les limiers onusiens, furieux d'un tel manque de coopération. «Aujourd'hui, Damas est sans doute prêt à lâcher Rostom Ghazalé, dit un interlocuteur des services syriens, car il est mal aimé par le pouvoir.» Mais malgré les failles de l'enquête, le problème pour le régime alaouite reste le même : comment limiter au plus haut niveau son implication dans l'assassinat d'Hariri ? «S'il coopère vraiment, le pouvoir est fichu, car les langues vont se délier, constate le policier. Mais s'il ne coopère pas, la commission va conclure de nouveau à une mauvaise volonté syrienne. C'est insuffisant judiciairement, mais, diplomatiquement, ça suffit pour que les Américains fassent circuler à l'ONU un projet de résolution avec des sanctions à la clé contre Damas.»
http://www.lefigaro.fr/international/20051130.FIG0237.html?073938
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Le clan Hariri aurait manipulé un témoin clé de l'enquête
Le seul témoin nommément cité dans l'enquête sur l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais n'était pas fiable.
G. M.
[30 novembre 2005]
Depuis l'Arabie saoudite, où il a trouvé refuge, Mohamed Zuher al-Sadiq se manifeste en juin auprès de la commission Mehlis. Dans un premier temps, le procureur allemand accorde peu de crédit à celui qui se présente comme un membre important des services de renseignements syriens au Liban ayant des révélations à faire sur l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février à Beyrouth. Circonspect, Detlev Mehlis n'ignore-t-il pas les conclusions des premiers debriefings effectués par les services de renseignements saoudiens puis américains ? «A une forte probabilité, l'homme est un affabulateur», écrit alors la CIA, qui lâche volontiers la piste al-Sadiq.
C'est Rifaat al-Assad, l'oncle du président syrien, en exil en Europe, qui avait convaincu les Saoudiens d'accueillir le transfuge. Rifaat, qui n'a jamais renoncé à exercer le pouvoir à Damas, veut donner des gages à ceux qui entendent profiter de la liquidation d'Hariri pour changer le régime syrien. Soucieux de garder de l'influence sur Bashar, Ryad ne tient pas cependant à abriter plus longtemps un témoin peu fiable. Sadiq est alors emmené dans une des résidences de Rifaat à Marbella, aux Baléares. Nous sommes en août. Pendant ce temps, à Beyrouth, Detlev Mehlis est à la peine dans son enquête. Les témoignages abondent. Mais les preuves d'une implication syrienne dans l'assassinat d'Hariri se font plus que rares. Seconde étape de la manipulation : le clan Hariri et la commission Mehlis demandent à la France d'héberger Sadiq pour pouvoir l'interroger.
Un témoin douteux, mais utile
Courant août, «la DGSE exfiltre Sadiq de Marbella pour le transférer à Paris», raconte un policier français proche de l'enquête. Des agents l'interrogent, avant de conclure eux aussi au manque de fiabilité du témoin. Sadiq est ensuite remis à la DST, qui à son tour le questionne, puis aboutit à la même conclusion. Protégé par une équipe de policiers, Sadiq réside alors à Meudon, près de Paris.
Pour l'équipe Hariri, même douteux, l'homme est utile. «On s'en est probablement servi pour lui faire endosser des informations recueillies par ailleurs», reconnaît un membre de l'entourage de Saad Hariri. En échange vraisemblablement d'une importante somme d'argent, Sadiq accepte de recycler des renseignements qui, espère-t-on, pourraient faire avancer l'enquête. Il ne se cache guère. Fin août, hilare, Sadiq appelle son frère Imad pour lui annoncer qu'il est devenu «millionnaire», rapporte l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. Pour que son témoignage paraisse crédible, Sadiq s'accuse carrément d'avoir participé au meurtre d'Hariri.
Le 27 septembre, par écrit, il confesse aux enquêteurs onusiens avoir participé à la planification de l'assassinat. Que dit Sadiq dans son témoignage, repris dans le rapport Mehlis ? Il assure avoir mis son appartement beyrouthin de Khaldeh à la disposition des conspirateurs, parmi lesquels plusieurs hauts responsables des services de renseignements syriens. Sadiq prétend également que la décision d'éliminer Hariri a été prise en Syrie, avant une série de rencontres clandestines au Liban, de juillet à décembre 2004, entre sept officiers syriens et quatre Libanais.
«Quand Sadiq parle, Mehlis n'a pratiquement rien», constate un diplomate français, qui suit l'affaire. Le procureur va utiliser les aveux de Sadiq comme une arme psychologique pour tenter un coup de bluff. Le 30 août, Mehlis demande à la justice libanaise l'arrestation de quatre responsables prosyriens des services de sécurité (Jamil al-Sayyed, Raymond Azar, Ali Hajj et Moustapha Hamdane). «Mehlis pensait que les quatre hommes allaient commencer à se déballonner», explique le diplomate.
Aucun indice matériel
Après ses aveux, Sadiq est accusé de complicité dans le meurtre d'Hariri. Le 13 octobre, à la demande de Detlev Mehlis, un mandat d'arrêt est lancé par la justice libanaise. Le 16, il est arrêté par des policiers français. Depuis, Sadiq est écroué en région parisienne. Le Liban a demandé son extradition. Mais il peut faire valoir la loi française, qui n'autorise pas l'extradition vers un pays appliquant la peine de mort, pour s'y opposer.
Qui est finalement Mohamed Zuher al-Sadiq ? Un petit escroc, chauffeur d'un général syrien qui venait régulièrement à Beyrouth. Sur place, l'enquête montre que ses dires ne sont corroborés par aucun indice matériel (type empreinte digitale) retrouvé dans son appartement.
Dans ces conditions, pourquoi la DGSE a-t-elle «traité» Sadiq, alors qu'elle avait reçu des notes de la CIA le disqualifiant ? «L'ordre est certainement venu d'en haut», affirme le diplomate. Sous-entendu : de Jacques Chirac lui-même, qui veut aider la famille Hariri à découvrir la vérité sur l'assassinat de son ami.
Les fausses allégations de Sadiq pourraient être à l'origine du retrait in extremis des noms de Maher al-Assad et Assef Chaoukat, le frère et le beau-frère de Bashar, du rapport d'enquête remis à l'ONU par le procureur allemand fin octobre. Une reculade qui avait alors surpris les observateurs.
http://www.lefigaro.fr/international/20051130.FIG0238.html